MIKAK (Micoc, Mykok), Inuk du Labrador, née vers 1740, fille du chef Nerkingoak ; elle épousa successivement le fils d’un chef inuit vers 1762, Tuglavina vers 1770, Serkoak en 1783 et fut mère d’au moins un fils et une fille ; décédée le 1er octobre 1795 à Nain, Labrador.

Mikak est l’un des premiers personnages Inuit qui se détache en tant qu’individu dans l’histoire des rapports entre les Européens et les indigènes du Labrador. En 1765, les frères moraves envoyèrent quatre missionnaires en expédition de reconnaissance dans le but de prendre contact avec les Inuit du Labrador. À partir de la station britannique de la baie des Châteaux, dans le détroit de Belle-Isle, les missionnaires visitèrent des campements établis dans le voisinage par des Inuit venus au sud faire la traite pendant l’été. En septembre, une tempête soudaine obligea les missionnaires Jens Haven et Christian Larsen Drachart à passer la nuit sous la tente d’un angakok (chef religieux indigène). Mikak, qui se trouvait là, apprit le nom des deux hommes et garda en mémoire une prière que Drachart lui enseigna.

C’est dans des circonstances moins heureuses que devait se produire ce qui fut, autant qu’on sache, la seconde rencontre de Mikak avec des Européens. En novembre 1767, une bande d’Inuit attaqua le poste de pêche que Nicholas Darby possédait au cap Charles, au nord-est de la baie des Châteaux ; les assaillants tuèrent quelques hommes et volèrent des bateaux. Un détachement venu du fort York à la baie des Châteaux poursuivit les Inuit, tuant les hommes et capturant les femmes et les enfants. Mikak fut conduite à la baie des Châteaux avec les autres prisonniers et elle passa l’hiver au fortin. Son intelligence manifeste attira l’attention du commandant en second de la garnison, Francis Lucas*. Elle s’initia rapidement à l’anglais avec son aide et, en retour, elle lui enseigna quelques mots d’inuit. À l’automne de 1768, Hugh Palliser, alors gouverneur de Terre-Neuve, prit les dispositions nécessaires pour que Mikak, son fils Tootac et un garçon plus âgé, Karpik, fussent envoyés en Angleterre. Il espérait que la puissance et la grandeur de ce pays allaient les impressionner et qu’une fois de retour parmi les leurs, ils se feraient les défenseurs de la coopération et du commerce avec les Anglais. En arrivant à Londres, Mikak rencontra de nouveau Jens Haven et apprit que les frères moraves désiraient obtenir une concession en vue de fonder une mission sur la côte du Labrador.

À cette époque où les « bons sauvages » étaient à la mode, Mikak bénéficia du patronage de la société londonienne. Elle reçut des cadeaux, dont une somptueuse robe chamarrée d’or qui lui fut donnée par Augusta, princesse douairière de Galles. Sur les instances du naturaliste Joseph Banks*, Mikak posa pour John Russell, peintre à la mode. Le tableau, qui fut exposé à la Royal Academy of Arts, à Londres, se trouve actuellement à l’Institut d’ethnologie de l’université de Göttingen (République fédérale d’Allemagne). Mikak est représentée vêtue de la robe qui lui avait été donnée, et on est frappé par son regard fin et pénétrant. À plusieurs reprises, Mikak plaida la cause des frères moraves auprès de ses protecteurs influents et c’est en partie grâce à elle qu’ils obtinrent, en mai 1769, la concession qu’ils avaient demandée. Les missionnaires, toutefois, n’approuvaient pas le voyage des Inuit en Angleterre, estimant que ce contact avec la société européenne risquait de leur faire perdre le goût de l’existence à laquelle ils devaient revenir.

À l’été de 1769, Francis Lucas, devenu lieutenant, débarqua Mikak dans une île située au nord-ouest de la baie de Byron (au nord de l’inlet de Hamilton), et, l’année suivante, les frères moraves y envoyèrent un bateau à la recherche d’un endroit où ils pourraient établir une mission. En juillet 1770, les missionnaires Drachart et Haven rencontrèrent Mikak et sa famille près de la baie de Byron. Elle les accueillit vêtue de sa robe brodée d’or, une médaille, que lui avait donnée le roi, sur la poitrine, et accompagnée de son nouvel époux, Tuglavina. En qualité d’angakok, Tuglavina exerçait une grande influence auprès de ses compatriotes ; son intelligence, son courage et son « caractère turbulent » inspiraient aux frères moraves un respect mêlé de crainte. Les missionnaires expliquèrent à Mikak qu’ils étaient venus dans le but de chercher un endroit convenable pour y bâtir une mission, si les Inuit le leur permettaient, ajoutant toutefois un sévère avertissement : le vol ou le meurtre seraient punis. Elle déclara avec une certaine vivacité être « désolée d’apprendre [qu’ils avaient] une si piètre opinion des gens de [son] pays », rapportèrent-ils ; elle fit observer qu’il arrivait aussi aux Anglais de voler puis elle finit par dire que les Inuit les « aimaient beaucoup et souhaitaient [qu’ils vinssent] vivre avec eux ». Par la suite, Mikak et Tuglavina guidèrent les missionnaires vers le nord et les aidèrent à choisir l’emplacement du premier poste de mission, qui fut appelé Nain.

Lorsque ce poste fut établi par les frères moraves en août 1771, Mikak et sa famille le visitèrent mais ils préférèrent ne pas y vivre. Mikak et Tuglavina prirent des leçons préparatoires au baptême, sans aller plus loin, toutefois. À compter de 1782, ils se joignirent à d’autres Inuit, et, contre l’avis des missionnaires, ils allèrent souvent trouver les trafiquants européens des environs de la baie des Châteaux, avec lesquels ils échangeaient des fanons de baleine et des fourrures contre des fusils, des munitions et des boissons alcooliques. Séduite par les manières sans façon de ces trafiquants, Mikak ne retourna à Nain qu’à la fin de sa vie, en 1795. Elle chercha alors un réconfort auprès des missionnaires, disant qu’elle n’avait pas oublié ce qu’elle avait appris au sujet du Sauveur ni ce qu’elle avait promis en devenant catéchumène.

En 1824, dans l’inlet de Hamilton, le missionnaire méthodiste Thomas Hickson rencontra deux Inuit, le père et le fils, qui avaient chacun deux femmes. Le plus âgé n’était nul autre que Tootac. L’une de ses épouses était vêtue de la robe brodée d’or que Mikak avait reçue bien des années auparavant, et Tootac lui-même portait le nom de Palliser en souvenir du gouverneur de Terre-Neuve qui leur avait manifesté de l’amitié.

Fort intelligente, Mikak avait un esprit observateur et apprenait rapidement. Elle savait être bonne et généreuse, comme lorsqu’elle défendit la cause des frères moraves à Londres et qu’elle les aida à s’établir au Labrador. Il semble qu’elle resta fidèle à elle-même : elle se montra réceptive aux enseignements des frères moraves, mais non sans une certaine réserve ; elle prit plaisir à la société européenne tout en demeurant consciente de son influence et de son rang dans la communauté des Inuit.

William H. Whiteley

APC, MG 17, D1, Voyage to Labrador, 1770.— Methodist Missionary Soc. (Londres), Wesleyan Methodist Missionary Soc. correspondence, T. Hickson’s journal on the Labrador C.— PRO, Adm. 51/629 ; CO 194/16 ; 194/27 ; 194/28.— Account of the Esquimaux Mikak, Periodical accounts relating to the missions of the Church of the United Brethren, established among the heathen (Londres), II (1798) : 170s.— Daniel Benham, Memoirs of James Hutton ; comprising the annals of his life, and connection with the United Brethren (Londres, 1856).— Hiller, Foundation of Moravian mission.— The Moravians in Labrador (Édimbourg, 1833).— H. W. Jannasch, Reunion with Mikak, Canadian Geographical Journal (Ottawa), LVII (1958) : 84s.

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William H. Whiteley, « MIKAK (Micoc, Mykok) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mikak_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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