LANGFORD, EDWARD EDWARDS, régisseur d’une ferme et magistrat stipendiaire, né le 23 novembre 1809 à Brighton, Angleterre ; il épousa Flora Phillips, et ils eurent cinq filles et un fils ; décédé le 23 mars 1895 à Wallington (Londres).

Capitaine dans le 73rd Foot, Edward Edwards Langford quitta l’armée britannique en 1834 et devint gentleman-farmer dans une propriété de 200 acres appelée Colwood, près de Slaugham, dans le Sussex. Ambitieux, instable et peut-être insatisfait des conditions qui régnaient en Angleterre, il décida d’émigrer. Un parent éloigné, Richard Blanshard, gouverneur de la nouvelle colonie de l’île de Vancouver, lui trouva un poste de régisseur de la ferme Esquimalt, domaine d’environ 600 acres. Le 10 mai 1851, Langford arrivait au fort Victoria (Victoria) à bord du Tory, avec sa femme et ses filles.

La ferme, que Langford rebaptisa Colwood, était la première des quatre que la Puget’s Sound Agricultural Company, filiale de la Hudson’s Bay Company, établit aux environs du fort. Le poste de régisseur était attrayant : la compagnie paya la traversée de Langford jusqu’à l’île, lui construisit une maison, des granges et des écuries, en plus de lui fournir du bétail et de la main-d’œuvre. Il touchait £60 par an, plus un tiers du bénéfice, et il pouvait compter sur un crédit illimité au fort Victoria. Pendant les quatre années au cours desquelles il mit la propriété en valeur, 190 acres furent défrichées et 11 cottages construits pour les ouvriers agricoles. Cependant, comme il n’avait ni jugement ni sens de la mesure, il imposa à la ferme un fardeau financier beaucoup trop lourd. Il vivait dans le luxe et traitait ses invités avec prodigalité ; il construisit une belle maison et des bâtiments coûteux qu’il agrandit par la suite sans consulter ses employeurs. Apparemment, quand il était à court d’argent, il se tournait vers la compagnie. Pour l’année 1853 seulement, son employeur lui avança une somme presque huit fois supérieure à son salaire. En 1855, comme la compagnie avait connu des problèmes semblables avec ses trois autres régisseurs, Kenneth McKenzie*, Thomas Skinner et Donald Macaulay, on lui signifia que son contrat prendrait fin cinq ans plus tard.

En 1853, le gouverneur James Douglas* avait nommé Langford, Skinner et McKenzie magistrats stipendiaires, mais ils se révélèrent incompétents presque tout de suite. Il limita donc leurs pouvoirs en fondant, le 2 décembre de la même année, la Cour suprême de justice civile de l’île de Vancouver ; et il en nomma son beau-frère David Cameron* juge en chef, nomination qui souleva de nombreuses protestations dans la colonie. Selon un groupe de colons et d’hommes de la Hudson’s Bay Company, que dirigeaient Langford, Skinner, James Cooper* et le révérend Robert John Staines*, il s’agissait là d’un cas flagrant de népotisme. L’année suivante, ils demandèrent aux autorités anglaises de faire enquête sur le nouveau tribunal et la nomination de Cameron. De plus, ils se plaignirent qu’en sa double qualité de gouverneur de l’île de Vancouver et d’agent principal de la Hudson’s Bay Company, Douglas subordonnait les intérêts de la colonie à ceux de la compagnie.

Les adversaires de Douglas entrèrent bientôt dans l’arène politique. En août 1856, Langford, devenu chef des réformistes, fut élu député de la circonscription du district de Victoria à la première chambre d’Assemblée de l’île de Vancouver. Lorsque Cameron, confirmé peu de temps auparavant dans ses fonctions de juge en chef par le gouvernement britannique, fit prêter le serment d’allégeance aux députés, on découvrit que Langford ne possédait pas les £300 de biens immobiliers requis pour être éligible au Parlement. Langford eut beau faire valoir que cette règle était inconstitutionnelle tant que la chambre ne l’aurait pas approuvée, on déclara nulle et non avenue son élection ; c’est Joseph William McKay qui le remplaça. À la fin de 1859, Langford se présenta de nouveau, cette fois dans la circonscription de la ville de Victoria, et fit paraître un discours contre Douglas et son gouvernement. Un auteur anonyme en publia une parodie qui circula dans toute la ville, et dans laquelle on soulignait l’amour-propre injustifié et l’incompétence de Langford. Discrédité, celui-ci se retira de la course le 5 janvier 1860 en pressant ses partisans de voter pour Amor De Cosmos, et il intenta une poursuite en diffamation à Edward Hammond King*, l’imprimeur du pamphlet.

Le juge en chef Cameron entendit la cause en avril. Langford refusa de répondre au contre-interrogatoire, et une ordonnance de non-lieu fut inscrite. Comme il s’entêtait dans son silence, Cameron le déclara coupable d’outrage au tribunal et le condamna à 24 heures de prison et à £10 d’amende. Cependant, des amis intercédèrent en sa faveur, et on annula la peine d’emprisonnement. Voyant qu’il ne payait pas l’amende et ne respectait pas l’ordre de se présenter devant le tribunal le lendemain, Cameron le fit arrêter, l’accusa de nouveau d’outrage au tribunal, mais suspendit son jugement par compassion. Les amis de Langford payèrent les frais du procès, et l’affaire en resta là. Environ trois mois plus tard, Langford intenta au solicitor de King, George Hunter Cary*, une poursuite tout aussi désastreuse. Le magistrat Augustus Frederick Pemberton débouta le demandeur de sa poursuite et le tança vertement. Par la suite, Langford déposa des plaintes contre le juge Matthew Baillie Begbie et Charles Good, commis principal au bureau du secrétaire de la colonie, qui, croyait-il, étaient à l’origine de la satire publiée contre lui.

En 1860, à cause de son incompétence et de sa sottise, Edward Edwards Langford n’avait à son actif que des échecs. Congédié, il se trouvait sans le sou et avait sans doute des dettes. Selon Begbie, ses amis comme ses ennemis s’arrangèrent pour que cet homme plein d’amertume puisse quitter la colonie. La Puget’s Sound Agricultural Company les traita, lui et sa famille, avec ce que Begbie qualifia de « compassion imméritée ». Des amis lui remirent probablement l’argent nécessaire pour rentrer en Angleterre et, le 12 janvier 1861, les Langford s’embarquèrent pour Londres. À son arrivée, Langford reprit ses accusations de diffamation contre Begbie et Good, mais deux ans plus tard il accepta finalement la défaite. On ne sait rien de plus à son sujet ; selon son certificat de décès, il mourut « rentier ».

Sydney G. Pettit

La parodie du discours électoral d’Edward Edwards Langford fut publiée sous le titre de « To the electors of Victoria » et signée « E. E. Longford » (placard, [Victoria, 1859] ; copie aux PABC) ; elle est reproduite dans l’article de l’auteur « The trials and tribulations of Edward Edwards Langford », BCHQ, 17 (1953) : 5–40, face à la page 17.

GRO (Londres), Death certificate, E. E. Langford, 23 mars 1895.— PABC, Add. mss 2431 ; GR 1372, F 142, particulièrement Begbie à W. A. G. Young, 23 déc. 1862.— G.-B., Parl., House of Commons paper, 1863, 38, no 507 : 487–540, Miscellaneous papers relating to Vancouver Island, 1848–1863 [...].— Helmcken, Reminiscences (Blakey Smith et Lamb).— Vancouver Island, House of Assembly, Minutes [...] August 12th, 1856, to September 25th, 1858 (Victoria, 1918).— British Colonist (Victoria), 5 janv., 19 avril, 24 juill. 1860.— Daily British Colonist (Victoria), 6 nov. 1860.— G.-B., War Office, A list of the general and field-officers, as they rank in the army [...] (Londres), 1829–1834.— Walbran, B.C. coast names, 391.— A. S. Morton, A history of the Canadian west to 1870–71 [...] (Londres et Toronto, [1939]).— W. N. Sage, Sir James Douglas and British Columbia (Toronto, 1930).

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Sydney G. Pettit, « LANGFORD, EDWARD EDWARDS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/langford_edward_edwards_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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