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KAPAPAMAHCHAKWEW (Papamahchakwayo, Wandering Spirit, appelé aussi Esprit Errant), chef de guerre d’une bande de Cris des Plaines, né vers 1845, mort pendu, le 27 novembre 1885, à Battleford, Saskatchewan. Une fille au moins lui survécut.

D’après des témoignages fragmentaires sur la jeunesse d’Esprit Errant, il semble qu’il ait été le guerrier cri des Plaines idéal. Grand et souple d’aspect, il étonnait par l’expression saisissante de ses grands yeux perçants, de son long nez droit et de ses cheveux épais et bouclés. Sa voix, douce comme du velours, pouvait parfois atteindre des sonorités retentissantes. Il faisait partie de la bande qui suivit Gros Ours [Mistahimaskwa] et il accéda, à la suite de ses exploits audacieux au combat, au poste prestigieux de chef de guerre, fonction séparée de celle de « chef social » que détenait Gros Ours. On disait qu’il avait tué entre 11 et 13 guerriers pieds-noirs, ennemis héréditaires des Cris, soit plus que n’importe quel autre membre de la bande. Il portait un bonnet de guerre unique : une peau de lynx entière, dont la tête et la queue attachées ensemble formaient une double boucle ouverte sur le dessus, et décorée de cinq plumes d’aigle. En tant que chef de guerre, Esprit Errant dirigea aussi le groupe des guerriers, rôle particulièrement important au cours des chasses et fêtes de l’été. Le chef devait, entre autres fonctions, veiller au maintien de l’ordre dans les camps des tribus, monter la garde contre les ennemis et assumer des responsabilités spéciales concernant la chasse au bison.

Dans les années 1870, la désagrégation de la manière de vivre des Cris des Plaines, provoquée par la disparition des bisons et la signature des traités, souleva, chez des guerriers comme Esprit Errant, une amertume et un désespoir particuliers. La bande de dissidents qui se groupèrent autour de Gros Ours tentèrent de s’opposer au nouvel ordre social mais, à la longue, la faim les contraignit, en décembre 1882, à donner leur adhésion au traité no 6. Au cours de l’hiver de 1884–1885, la bande de Gros Ours, dépourvue de tout, campa à proximité du petit établissement du lac La Grenouille (lac Frog, Alberta), une mission catholique qui servait d’agent pour le compte du département des Affaires indiennes. Des militants tels qu’Esprit Errant, irrités de la stricte mise en application de la politique « pas de travail, pas de rations », de l’agent des Affaires indiennes, Thomas Trueman Quinn, devinrent de plus en plus hostiles. En fait, la bande avait été influencée par les idées de Louis Riel qu’elle avait rencontré dans le Montana au début des années 1880, période pendant laquelle elle avait suivi ce qui restait des troupeaux de bisons. Riel insistait pour que les Métis et les Indiens, grâce à une action concertée, puissent chasser les Canadiens de leur pays et regagner leur liberté ainsi que leur indépendance. La nouvelle, à la fin de mars 1885, selon laquelle les Métis s’étaient soulevés et avaient mis la Police à cheval du Nord-Ouest en déroute à l’établissement du lac aux Canards (Duck Lake, Saskatchewan) donna le signal de l’entrée en action. À partir de ce moment-là, Gros Ours fut impuissant à empêcher Esprit Errant et les autres guerriers d’attaquer la mission du lac La Grenouille.

Tôt le matin du 2 avril, les 12 Blancs et sang-mêlé qui se trouvaient dans l’établissement du lac La Grenouille furent rassemblés pendant que les Indiens pillaient les magasins du poste de la Hudson’s Bay Company ainsi que les baraques de la police. Esprit Errant, exaspéré au plus haut point par Quinn qui l’avait défié en refusant d’aller dans le camp indien avec les autres prisonniers, tira sur lui, puis cria d’en faire autant avec les autres Blancs qui furent, pour la plupart, tués dans les quelques minutes qui suivirent. Neuf hommes perdirent la vie. Seuls furent épargnés les deux femmes, Theresa Gowanlock [Johnson*] et Theresa Delaney, ainsi que William Bleasdell Cameron*, employé de la Hudson’s Bay Company.

Esprit Errant joua un rôle de premier plan au cours des événements ultérieurs. Il manifesta sa haine contre le gouvernement canadien et ses agents, et contre la police, chaque fois qu’il prit la parole avant la prise du fort Pitt (Fort Pitt, Saskatchewan) à la mi-avril : « Nous en avons assez de lui [le gouvernement] et de tous ses gens, et nous allons les chasser du pays. » Seule l’intervention de Gros Ours évita une autre scène de violence au fort Pitt et le massacre éventuel des prisonniers blancs, qu’Esprit Errant soupçonnait à juste titre de semer la discorde entre les Cris des Plaines et leurs peu enthousiastes alliés, les Cris des Bois. Tandis que la bande de Gros Ours se mettait en branle pour rejoindre Poundmaker [Pītikwahanapiwīyin] à Battleford, le chef de guerre travaillait activement à une réconciliation des Cris ; il organisa donc une danse de la soif près de Butteaux-Français (Frenchman Butte, Saskatchewan). Lorsque l’armée en marche du major général Thomas Bland Strange* interrompit la cérémonie, Esprit Errant lança ses hommes sur le sentier de la guerre et leur fit creuser des abris de tirailleurs en un point stratégique de Butte-aux-Français. Pendant la bataille du 28 mai, Esprit Errant fit preuve d’une tactique efficace : il « se déplaçait d’un abri à l’autre, haranguant ses guerriers, ranimant leur courage », et ils repoussèrent l’attaque du général Strange.

Tandis que les Indiens se retiraient au nord après cet accrochage peu concluant, il semble bien qu’Esprit Errant se soit métamorphosé. Il se réfugia chez les Cris des Bois qui avaient saisi l’occasion d’abandonner Gros Ours peu après la bataille. D’après un récit, le chef de guerre avait éprouvé un tel choc qu’en l’espace de quelques mois ses cheveux avaient blanchi presque complètement. Toujours est-il qu’en proie aux remords pour les ravages qu’il avait causés, il voulut expier en essayant de se suicider au moment où les Cris des Bois entraient se livrer au fort Pitt. Il expliqua plus tard à Cameron : « Je savais qu’il n’y avait pas d’espoir pour moi. Je me disais que peut-être, si je me sacrifiais, le gouvernement ne serait pas aussi sévère pour les autres. » Esprit Errant ne mourut pas de la blessure qu’il s’était infligée à la poitrine, mais on le transporta sur une civière jusqu’à Battleford pour qu’il y fût jugé.

Les procès des Cris arrêtés pour leur engagement au lac La Grenouille furent brefs ; rétrospectivement, la justice semble avoir été rendue d’une manière arbitraire. Aucun des Indiens ne reçut d’assistance judiciaire ; ils furent tous jugés par le magistrat « stipendiaire » Charles-Borromée Rouleau*. Esprit Errant avoua qu’il avait tiré sur Quinn, mais refusa d’expliquer ses actions. Le 22 septembre, il fut condamné sommairement à la pendaison. Puis ce fut au tour de Paypamakeesit (Round the Sky) d’être déclaré coupable de meurtre ; on l’accusa d’avoir tiré sur le père Léon-Adélard Fafard, après que ce dernier eut été blessé par Esprit Errant. D’après un compte rendu, les compagnons de Round the Sky, dont le prêtre s’était occupé, l’avaient, par leurs sarcasmes, incité à tirer sur lui, mais il n’y eut pas de déposition dans ce sens. Le 3 octobre, Kittimakegin (Miserable Man) et Manachoos (Bad Arrow) furent jugés pour le meurtre de Charles Gouin. Les deux plaidèrent non coupable, et Miserable Man pria Cameron d’appuyer son alibi suivant lequel il était dans le magasin de la Hudson’s Bay Company au moment du meurtre. Cependant, Cameron, qui détestait Miserable Man, s’était déjà assuré, pour la couronne, du témoignage d’Indiens affirmant qu’Esprit Errant avait donné ordre à Bad Arrow de tirer sur Gouin et que Miserable Man également avait tiré sur lui. L’accusation portée contre Apaschiskoos (Little Bear) et Nabpace (Iron Body) dans le cas du meurtre de George Dill paraît, après coup, peu convaincante : Iron Body fut déclaré coupable d’après le témoignage de Little Bear qui était alors également déclaré coupable du massacre, mais l’un et l’autre nia catégoriquement qu’il eût tiré le coup fatal, et Iron Body soutint qu’un Indien, qui s’était enfui, avait tiré sur Dill. Il semble que le gouvernement fédéral ait résolu de châtier ces Indiens pour l’exemple. Lorsque le ministre de la Justice, John Sparrow David Thompson*, révisa ces causes, il ne tint pas compte de circonstances atténuantes, et les condamnations à mort furent maintenues.

Esprit Errant, gardant un sombre silence pendant toute la durée de son emprisonnement, accorda une entrevue à Cameron le jour qui précéda son exécution. Il regrettait avoir cru les Indiens capables de résister aux empiétements des Blancs et de restaurer leur ancien mode de vie. Fier, le chef de guerre déclara qu’il n’avait pas peur de mourir, mais il demanda instamment à ne pas être enterré l’humiliant boulet aux pieds. Des huit Indiens debout sur l’échafaud, Esprit Errant fut le seul qui ne prononça pas de dernières paroles. Certains poussèrent des cris de guerre et défièrent les Blancs ; quant à Esprit Errant, selon la légende, il murmura pour sa femme un chant d’amour. Les corps furent ensevelis dans une fosse commune qui fut recouverte plus tard d’une dalle de ciment anonyme.

Sylvia M. Van Kirk

APC, RG 13, C1, 1 421.— The Frog Lake « Massacre » : personal perspectives on ethnic conflict, Stuart Hughes, édit. (Toronto, 1976).— Stanley, Birth of Western Canada.— R. S. Allen, « Big Bear », Saskatchewan Hist. (Saskatoon), 25 (1972) : 1–17.— D. G. Mandelbaum, « The Plains Cree », American Museum of Natural Hist., Anthropological Papers (New York), 37 (1941) : 155–316.

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Sylvia M. Van Kirk, « KAPAPAMAHCHAKWEW (Papamahchakwayo) (Wandering Spirit, Esprit Errant) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kapapamahchakwew_11F.html.

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Auteur de l'article:    Sylvia M. Van Kirk
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    8 oct. 2024