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CATELLI, CARLO ONORATO (Charles-Honoré), homme d’affaires et leader communautaire, né en 1849 à Vedano Olona, Italie, fils de Martino Catelli et de Maria Pessina ; le 15 septembre 1879, il épousa à Rivière-des-Prairies (Montréal) Angelina Armand (décédée en 1897), et ils eurent neuf enfants, dont deux atteignirent l’âge adulte ; décédé le 13 octobre 1937 à Montréal.
Carlo Onorato Catelli quitta la Lombardie, région du nord de l’Italie, pour la province de Québec vers 1866 et s’établit à Montréal. Sa ville natale, Vedano Olona, comptait une population d’environ 1 800 personnes à la fin des années 1860. Dans un almanach de cette époque-là, Martino Catelli figure comme l’un des deux conseillers de la municipalité ; ce nom assez inhabituel porte à croire que ce conseiller était le père de Carlo Onorato. Un grand nombre d’habitants de cette région du nord vinrent au Canada avant l’émigration de masse italienne de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle. Le frère aîné de Carlo Onorato, Pietro (Pierre, Peter), immigra à Montréal à peu près au même moment que lui. Ils reçurent probablement de l’aide de leur oncle paternel, Carlo (Charles) Catelli, arrivé dans la ville en 1845 à l’âge de près de 30 ans. Catholiques et francophones, les trois hommes ne tarderaient pas à adopter les variantes françaises de leurs prénoms, tout en continuant d’utiliser leurs noms italiens. Carlo Onorato avait tendance à se faire appeler Charles-Honoré dans sa vie professionnelle et à employer ses prénoms italiens en privé. L’oncle Carlo entretenait des liens étroits avec ses deux neveux. Ils vivraient ensemble dans la rue Craig (rue Saint-Antoine), ou très près les uns des autres, jusqu’au milieu des années 1880. Carlo et Carlo Onorato restèrent voisins jusque vers 1895. L’acte de mariage de Carlo Onorato, sur lequel l’oncle Carlo figure comme père adoptif, témoigne de leur relation privilégiée.
Selon l’histoire officielle de la compagnie Catelli, l’une des marques italiennes les plus connues au Canada, Carlo Onorato Catelli commença à confectionner des pâtes à la main rue Saint-Paul, à Montréal, en 1867. L’édition de Biographies canadiennes-françaises parue en 1923 indique la même année (l’information provenait vraisemblablement de Catelli). On a toutefois peu de documentation sur ses premières armes en affaires et aucune source primaire ne confirme le moment de la création de l’entreprise. De plus, ni Catelli ni son exploitation n’apparaissent dans les annuaires de la ville avant 1872–1873. Cette année-là, le jeune homme y figure (« Chs., jun. »), avec son frère et son oncle, sous « Catelli & Frère, cuisiniers et fabricants de vermicelles », à la même adresse que l’atelier de fabrication de statues de l’oncle Carlo, soit au 68, rue Notre-Dame. À partir de 1873–1874, on ne mentionne plus le nom de ce dernier dans l’inscription de l’entreprise de pâtes alimentaires. Pendant que ses neveux se consacraient à celle-ci, il poursuivit sa carrière de sculpteur et de producteur de statues de plâtre, et collabora fréquemment avec la famille Carli [V. Alexandre Carli]. Il servirait à titre de juge de paix vers la fin des années 1890.
Curieusement, en 1869–1870, trois ans avant la présence de Carlo Onorato dans les annuaires montréalais, un boulanger du nom de « Pierre Catello » y figure comme occupant du 59, rue Perthius, près du square Viger. En 1870–1871, pour cette adresse, on indique la description suivante : « Pietro Catelli, fabricant de macaronis et de vermicelles, et de pâtes italiennes. » À partir de 1872–1873, les noms des frères apparaissent ensemble sous la raison sociale de « Catelli & Frère », dans la rue Notre-Dame ou la ruelle Berri (rue Berri), puis, dès 1876–1877, sous celle de « Catelli Brothers, fabricants de macaronis, de vermicelles et de produits alimentaires », au 53–59, rue Perthius. En 1880–1881, l’entreprise est inscrite à la même adresse, mais plutôt ainsi : « C. H. Catelli, successeur des Catelli Bros. » Cela suggère que le frère de Carlo Onorato avait quitté le commerce à peu près à ce moment-là. Pietro Catelli figure ensuite sous divers métiers dans les annuaires (notamment courtier, fabricant de carton et de cartes à jouer, et agent immobilier) ; en 1894–1895, on le qualifie d’associé à un « bureau d’immigration italien ». Vers 1896, il partit s’installer aux États-Unis, où il utilisait souvent l’équivalent anglais de son prénom (Peter). Selon les historiens Bruno Ramirez et Michael Del Baso, il avait fui Montréal en raison de son implication dans des pratiques bancaires frauduleuses ; la Gazette officielle de Québec révèle sa participation à un litige foncier en 1895. D’après le recensement fédéral américain de 1920, il vivait à Clinton, dans l’État de New York, avec sa deuxième femme et ses enfants ; d’après celui de 1930, il résidait dans la ville de New York, où il mourut en 1937.
L’importance du rôle de Pietro dans la mise sur pied de la petite entreprise familiale (tout comme les raisons de son départ) demeure obscure, mais, sans aucun doute, il revient à Carlo Onorato de l’avoir transformée en une grande compagnie. D’abord fréquenté principalement par la population italienne de Montréal – qui comptait environ 1 400 personnes en 1893 –, le commerce vit sa clientèle non italienne s’élargir progressivement. Le coût abordable de ses produits contribua certainement à son succès. Selon le Prix courant, publié à Montréal, les macaronis Catelli s’achetaient à plus ou moins 0,05 $ la livre en 1891, soit moins que la moitié du prix demandé pour leur équivalent importé. La même année, l’agence de crédit Bradstreet situait la valeur nette de la firme entre 2 000 $ et 3 000 $.
En 1908, Charles-Honoré et le directeur général Tancrède Bienvenu constituèrent légalement l’entreprise sous le nom de Compagnie C. H. Catelli Limitée. Ils ouvrirent une usine à l’intersection des rues Drolet et de Bellechasse, dans la Petite Italie de Montréal, à peu près au même moment. En 1910, Bradstreet estima la valeur nette de la société entre 75 000 et 100 000 $. L’année suivante, dans un journal, une annonce publicitaire vante les pâtes Hirondelle – produites par la firme – en affirmant qu’elles avaient « gagné la faveur des ménagères canadiennes ». Dans le Devoir du 4 mars 1913, un article sur un incendie majeur survenu à l’usine Catelli de la Petite Italie mentionne que celle-ci, avant le sinistre, employait 50 personnes, et pouvait fabriquer 50 000 livres de macaronis et de vermicelles par semaine. Le chiffre d’affaires annuel de la compagnie s’élevait alors à 200 000 $ ; en 1914, une fois la manufacture reconstruite, on considérait la firme comme la plus ancienne et la plus grande société de pâtes alimentaires au pays, et comme celle qui possédait l’équipement le plus moderne. Un portrait de l’entreprise publié dans le même journal en 1925 affirmerait que, lorsqu’il partit à la retraite en 1914, Catelli abandonna l’industrie des pâtes avec une importante fortune en poche. Bienvenu et quatre de ses fils prirent le contrôle de la société en 1918 ; en 1925, celle-ci employait environ 150 personnes, et produisait annuellement entre 10 et 11 millions de livres de pâtes.
Catelli prit toujours part aux affaires publiques et privées : il le faisait avant sa retraite et continua de le faire ensuite. En 1892, il avait cofondé l’Alliance nationale [V. sir Hormisdas Laporte], société de secours mutuel canadienne-française. Il siégea au conseil d’administration de l’Association d’exposition industrielle de Montréal en 1909, et à ceux de la Montreal Terminal Railway Company et de la Compagnie de chemin de fer de Châteauguay et Nord en 1912. Vers 1913, il accéda à la vice-présidence de la firme aurifère Champs d’Or Rigaud-Vaudreuil, fonction qu’il assumerait pendant plus de 20 ans. Il devint président de la Montreal Dairy Company Limited en 1932.
En 1879, Catelli avait épousé Angelina Armand, fille du sénateur canadien Joseph-Flavien Armand. Le couple eut neuf enfants entre 1880 et 1895 ; seulement deux atteignirent l’âge adulte. En 1891, à son baptême, l’aîné des survivants reçut les prénoms Joseph-Charles-Honoré-Léon (on l’appellerait simplement Léon), certainement en l’honneur de son père et de son parrain, Joseph-Charles Beauchamp. Sa sœur Marguerite (Margherita) naquit en 1895, deux ans avant la mort de leur mère. Elle épousa Leopoldo Zunini en 1917. Consul de l’Italie à Montréal de 1916 à 1919 environ, ce dernier se verrait muté à Chicago, toujours en qualité de consul de l’Italie, juste après la naissance de son premier enfant avec Marguerite. On baptisa la petite fille en 1918 ; l’acte mentionne qu’elle eut Carlo Onorato pour parrain.
Quand il abandonna le domaine de la production de pâtes, Catelli était déjà devenu celui que l’ouvrage Canadian men and women of the time décrivit en 1912 comme « le membre le plus en vue de la colonie italienne [de Montréal] ». Son ascension débuta dès son mariage avec la fille d’un sénateur. En 1886, soit trois ans avant sa naturalisation, il fonda, avec d’autres entrepreneurs francophones, la Chambre de commerce du district de Montréal. De 1906 à 1908, il en assuma la présidence, fonction qui coïncida avec celle de commissaire honorable à l’Exposition universelle de Milan, en Italie, en 1906, et avec celle de délégué au sixième congrès des chambres de commerce de l’Empire, tenu à Londres la même année.
En 1900, Catelli avait exercé des pressions en faveur de l’établissement d’une église catholique pour la population italienne de Montréal. La paroisse de Notre-Dame-du-Mont-Carmel vit le jour cinq ans plus tard. Elle s’étendait du fleuve Saint-Laurent, au sud, à l’avenue du Mont-Royal, au nord, et de la rue de la Montagne, à l’ouest, à l’avenue de Lorimier, à l’est. Catelli y demeurerait jusqu’à sa mort. En 1910, on créa une deuxième paroisse pour les Italiens montréalais, Notre-Dame-Della-Difesa (Notre-Dame-de-la-Défense), dans la Petite Italie. Catelli appartenait à un groupe associé à la recherche de financement pour une école italienne, établie en 1908 à la même adresse que l’église paroissiale de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, au 479, rue Dorchester Est (boulevard René-Lévesque Est).
En 1902, Catelli avait cofondé l’Italian Immigration Aid Society for Canada (IIASC) à Montréal et en avait été élu président. Cet organisme de bienfaisance, subventionné par le gouvernement italien, visait essentiellement à aider les Italiens à immigrer au Canada et à trouver un emploi, à réduire la précarité de leur situation, à défendre leurs contrats et à lutter contre les pratiques abusives de certains agents de placement privés. Son vice-président, Alberto Dini, travaillait comme agent d’immigration privé depuis au moins 1898. Son principal rival, Antonio Cordasco*, était le padrone (agent d’immigration italienne privé) le plus influent de la ville et détenait une entente exclusive avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique pour lui fournir de la main-d’œuvre. Au printemps de 1904, des annonces de Cordasco et d’autres padroni entraînèrent l’arrivée de milliers d’ouvriers italiens, pour lesquels il n’y avait pas d’emplois. L’IIASC alerta le maire de Montréal, Hormisdas Laporte, qui à son tour informa le premier ministre sir Wilfrid Laurier*. Une commission royale nommée pour s’enquérir de l’immigration des ouvriers italiens à Montréal et des prétendues pratiques frauduleuses des agences de placement vit ainsi le jour. Parmi les commissaires se trouvait un fondateur de l’IIASC, Jerome Internoscia. Pendant son témoignage à la commission, Catelli raconta ce qu’il connaissait de la situation, décrivit les efforts qu’il avait déployés pour améliorer les conditions des Italiens démunis et sans gagne-pain, et recommanda d’interdire les agences de placement privées. Dini – interrogé à propos d’une annonce publiée en son nom, selon laquelle le Canada avait besoin de 10 000 journaliers pour la saison de travail de 1904 – nia toute responsabilité. La commission ne prit aucune action contre lui. Elle ciblait Cordasco, qui, tout comme la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, reçut un blâme ; il perdit de plus son poste. En janvier 1905, Dini fut élu à la présidence de l’IIASC, en remplacement de Catelli ; le consul italien de Montréal, Francesco Mazza, usa de son autorité pour qu’on passe outre aux votes et rétablisse Catelli dans ses fonctions.
En 1904, le roi d’Italie, Victor Emmanuel III, avait décerné à Catelli le titre de cavaliere, ou chevalier, de l’ordre de la Couronne d’Italie en reconnaissance de son leadership au sein de la communauté italienne montréalaise. Le souverain reçut Catelli vers 1906 et l’éleva au rang de commendatore (commandant). Cette année-là, celui-ci obtint une audience avec le pape Pie X. Membre à vie du prestigieux Club canadien de Montréal, Catelli entretenait des rapports étroits avec certaines des personnalités canadiennes les plus importantes de son époque.
Au début des années 1920, Catelli participa à un projet dirigé par le père Romualdo M. Migliorini visant à mettre sur pied un orphelinat pour enfants italiens, ce qui mena à la fondation de l’orphelinat Saint-Joseph en 1922. Catelli se vit nommé premier président de l’association chargée de son administration.
Vers la fin de sa vie, Catelli s’engagea dans une cause que défendaient des agents consulaires italiens de Montréal. À l’aube des années 1930, dans le cadre d’une campagne pour accroître la portée du gouvernement italien fasciste de Benito Mussolini, ses diplomates à Montréal (et ailleurs au Canada) commencèrent à établir des lieux de rassemblement où les immigrants italiens pouvaient socialiser et assister à des réunions politiques, et où leurs enfants pouvaient apprendre l’italien. Catelli apporta son appui à cette campagne fructueuse, qui aboutit à l’ouverture de la Casa d’Italia à Montréal en 1936.
Carlo Onorato Catteli, célébré pour sa réussite entrepreneuriale et sa contribution à la communauté italienne montréalaise, mourut chez lui en 1937 ; on l’inhuma au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. La société qui porte son nom poursuit ses activités depuis plus de 150 ans et figure parmi les compagnies de pâtes alimentaires les plus prospères au Canada.
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En collaboration avec Gabriele Scardellato, « CATELLI, CARLO ONORATO (Charles-Honoré) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/catelli_carlo_onorato_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/catelli_carlo_onorato_16F.html |
Auteur de l'article: | En collaboration avec Gabriele Scardellato |
Titre de l'article: | CATELLI, CARLO ONORATO (Charles-Honoré) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2024 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 10 oct. 2024 |