READMAN, ONÉSIME, officier dans la milice et dans l’armée, né le 4 juin 1877 à Saint-Urbain, Québec, fils de John Redman, forgeron, et de Laure Martineau ; le 31 janvier 1911, il épousa à Saint-Joseph-de-la-Pointe-de-Lévy, Québec, Valérie Bourassa, et ils eurent une fille ; décédé le 19 mars 1920 à l’hôpital Notre-Dame de Montréal.

Le nom d’Onésime Readman est passé à l’histoire parce qu’il rappelle les difficultés et les misères du recrutement au Canada pendant la Première Guerre mondiale. Dès l’âge de 17 ans, Readman s’enrôla dans la milice active non permanente : le 10 novembre 1894, il joignit le 81e bataillon d’infanterie de Portneuf, à titre de sous-lieutenant. Il occupait la fonction d’adjudant de l’unité avec le grade de lieutenant quand celle-ci cessa ses opérations en 1901. Son nom disparaît alors de la liste de milice jusqu’à ce qu’il joigne les Chasseurs canadiens (4e régiment de milice) en 1903 avec le grade de capitaine. Promu major le 5 juin 1909, il se vit confier le commandement du régiment, le 8 mars 1914 ; il obtint du même coup le grade de lieutenant-colonel.

Le 6 août 1914, trois jours après que l’Allemagne eut déclaré la guerre à la France, Readman se porta volontaire et fut envoyé en Grande-Bretagne à titre d’officier attaché au 12e bataillon d’infanterie du premier contingent du Corps expéditionnaire canadien. Il revint au Canada au mois de décembre suivant, après que les autorités militaires eurent placé son nom sur la liste des officiers excédentaires. Il fut licencié le 11 décembre. En mars 1915, il était établi à Lauzon (Lévis) et se disait manufacturier. Il joignit alors les rangs du détachement de Québec du 41e bataillon commandé par le lieutenant-colonel Louis-Henri Archambault. Il servit dans cette unité jusqu’au mois d’août, à titre de commandant de compagnie. La maladie l’empêcha d’accompagner le bataillon en Angleterre.

Quelques mois plus tard, après avoir rencontré le ministre Pierre-Édouard Blondin*, Readman demanda à sir Samuel Hughes*, ministre de la Milice et de la Défense, la permission de lever un bataillon. Au lieu de s’appuyer sur les régiments de milice, comme on le ferait pendant le deuxième conflit mondial, Hughes avait décidé de créer de nouvelles unités d’infanterie numérotées de 1 à 258. Quatorze d’entre elles seraient des unités francophones. La première à voir le jour avait été le 22e bataillon d’infanterie au mois d’octobre 1914. Autorisé en principe, le 17 décembre 1915, à recruter son unité à la grandeur de la province de Québec, Readman ne parvint jamais à remplir les rangs du 167e bataillon. Il faut dire que d’autres bataillons francophones se formaient à la même époque et que, après le premier trimestre de l’année 1916, la période noire du recrutement allait commencer.

On ignore le nombre de volontaires qui s’enrôlèrent dans le 167e bataillon. Readman prétend en avoir recruté environ 1 100. Ce nombre est vraisemblablement supérieur à la réalité et tout indique que l’effectif de l’unité n’atteignit jamais 600 hommes. Les autorités tirèrent du bataillon trois faibles détachements de 30 hommes et moins, dont l’un fut envoyé aux Bermudes pour renforcer le 163e bataillon d’infanterie qu’Olivar Asselin* avait mis sur pied. Les deux autres groupes partirent pour l’Angleterre. De plus, 144 soldats et sous-officiers furent versés au 189e bataillon d’infanterie, commandé par le lieutenant-colonel Philippe-Auguste Piuze. Des hommes enrôlés par Readman, 144 servirent au front avec le 22e bataillon.

Readman allait toutefois se montrer incapable de gérer son bataillon de façon adéquate. Le rapport de l’officier médical qui inspecta le manège militaire de Lévis le 12 novembre 1916 insista sur l’état de malpropreté général des lieux, et les livres de l’unité révélèrent toutes sortes d’irrégularités qui conduisirent au renvoi du commandant en second du bataillon l’année suivante. Le colonel Arthur Mignault*, qui avait été l’un des principaux artisans de la formation du 22e bataillon, recommanda la transformation du 167e bataillon en Dépôt de recrutement de Québec. Celui-ci vit le jour le 15 janvier 1917, et Readman, qui avait été relevé de ses fonctions le mois précédent, fut intégré à l’équipe de recruteurs de Mignault. Les efforts du groupe échouèrent lamentablement. Readman fut licencié du Corps expéditionnaire canadien le 15 juin et Mignault subit un traitement similaire en octobre de la même année. Traduit en justice en avril 1918, sous 67 chefs d’accusation de malversation, Readman fut toutefois acquitté. Ses appels nombreux au département de la Milice et de la Défense et au premier ministre sir Robert Laird Borden*, afin d’obtenir une compensation pour les dépenses qu’il avait engagées dans la levée de son bataillon, semblent bien être restés lettre morte. Les tribulations de Readman ont-elles contribué à sa mort prématurée le 19 mars 1920 ? On ne peut s’empêcher de le penser.

Il est facile d’être sévère pour le commandant du 167e bataillon. Readman fut certes victime de son ambition et de son goût du pouvoir et des honneurs. Il se révéla aussi un piètre gestionnaire, mais les circonstances ne l’aidèrent en rien. Dès sa nomination à la tête du 167e bataillon, le commandant du district militaire no 5, le brigadier-général Alfred-Octave Fages, se montra opposé à la formation de cette unité et n’hésita pas à le faire savoir officiellement au ministre de la Milice et de la Défense. Fages n’accepta jamais la mise sur pied de cette unité et ne facilita pas la tâche de Readman, qu’il connaissait. Il ne fait aucun doute que Readman n’aurait jamais obtenu le commandement d’un bataillon du Corps expéditionnaire, si Hughes, comme l’aurait voulu le respect des us et coutumes militaires, avait consulté Fages avant d’aller de l’avant avec la création du 167e bataillon. De plus, Readman, de son propre aveu, était un sympathisant du Parti conservateur. Hughes aurait-il approuvé la formation du 167e bataillon si son initiateur n’avait pas eu de liens avec ce parti et n’avait pas reçu l’appui de Blondin ? La Première Guerre a donné lieu à toutes sortes de situations bizarres et l’un des premiers responsables en fut Samuel Hughes, qui voulait tout diriger et se mêla de tout, sans égard aux responsabilités des officiers supérieurs. Par ailleurs, le département de la Milice et de la Défense ne disposait ni de l’infrastructure, ni des moyens de contrôle financiers et administratifs qui auraient permis, sinon d’empêcher, tout au moins de limiter les erreurs et les actes répréhensibles. En donnant carte blanche aux commandants de bataillon pour recruter leur unité et en comptant sur plusieurs d’entre eux pour assumer le coût de mobilisation de leur bataillon, le ministre encouragea par le fait même les abus, sans compter les risques énormes qu’il prit en autorisant des hommes qu’il connaissait mal ou ne connaissait pas du tout à former ces bataillons.

Onésime Readman était l’un d’eux. Il n’avait pas les qualités pour diriger un bataillon. De quelque côté qu’on regarde, on ne peut s’empêcher de penser que le succès du Corps expéditionnaire canadien a reposé à certains points de vue sur des bases fragiles. C’est la volonté inébranlable d’une nation en formation qui a permis de triompher de bien des obstacles.

Jean-pierre Gagnon

AN, Dossier du quartier général du lieutenant-colonel Onésime Readman ; RG 150, Acc. 1992–93/166, boîte 8126.— L’Événement, 16 avril 1918.— J.-P Gagnon, le 22e bataillon (canadien français), 1914–1919 ; étude socio-militaire (Québec et Ottawa, 1986).

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Jean-pierre Gagnon, « READMAN, ONÉSIME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/readman_onesime_14F.html.

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Auteur de l'article:    Jean-pierre Gagnon
Titre de l'article:    READMAN, ONÉSIME
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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