WILMOT, ROBERT DUNCAN, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 16 octobre 1809 à Fredericton, fils de John McNeil Wilmot* et de Susanna (Susan) Harriet Wiggins ; le 17 décembre 1833, il épousa Susannah (Susan) Elizabeth Mowat, de St Andrews, Nouveau-Brunswick, et ils eurent sept enfants ; décédé le 13 février 1891 dans son domaine, Belmont, comté de Sunbury, Nouveau-Brunswick.

Robert Duncan Wilmot avait environ cinq ans lorsque sa famille s’installa à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, où son père devint un marchand et armateur en vue. Après avoir étudié dans des écoles locales, il entra dans l’entreprise paternelle. De 1835 à 1840, il la représenta à Liverpool, en Angleterre. Après son retour, il s’occupa de la construction de moulins, de navires et de chemins de fer, et il fut l’un de ceux qui favorisèrent l’essor de Saint-Jean pour en faire la métropole du Nouveau-Brunswick. Il fit partie du bureau de la New-Brunswick Colonial Association et du conseil d’administration de la European and North American Railway Company. Selon l’historien Thomas William Acheson, il fut l’un des 40 marchands qui « dominèrent la vie commerciale de la ville entre 1820 et 1850 ».

Wilmot fut initié à la politique dès son jeune âge. Il appartenait à une vieille famille tory et son père représenta durant 15 ans la circonscription du comté et de la ville de Saint-Jean à la chambre d’Assemblée. Lui-même entra en politique municipale et provinciale dans les années 1840. Échevin un certain temps, il fut maire de Saint-Jean en 1849–1850. À la mairie, le problème le plus grave qu’il eut à affronter fut une émeute orangiste. Déjà, au cours des années précédentes, le défilé du 12 juillet, par lequel les orangistes célébraient l’anniversaire de la bataille de la Boyne, avait donné lieu à des scènes de violence. Quand Wilmot apprit, en 1849, qu’ils passeraient par les districts catholiques, il leur demanda de renoncer à leur manifestation, mais comme aucune loi n’interdisait les processions publiques, il ne pouvait pas faire grand-chose pour les arrêter. Afin d’obliger les orangistes à baisser leurs bannières, les catholiques irlandais érigèrent un arc de pin au-dessus de l’une des rues qu’ils devaient emprunter. Flanqué d’un juge de paix et d’un constable de police, Wilmot tenta de le faire enlever. La foule l’assaillit et lui ordonna de quitter l’endroit. Après avoir tenté une dernière fois de convaincre les orangistes d’éviter le secteur catholique, Wilmot fit appel aux militaires. Cependant, plusieurs personnes furent tuées avant que le commandant n’ait le temps de poster ses soldats aux endroits stratégiques.

Wilmot entra à la chambre d’Assemblée en octobre 1846 à titre de député du comté et de la ville de Saint-Jean. Prenant la relève de son cousin Lemuel Allan Wilmot*, il devint le porte-parole de ceux qui, dans la province, favorisaient les mesures protectionnistes. Il siégea sans interruption à la chambre durant 15 ans, puis connut la défaite en 1861. Réélu en 1865, il resta à l’Assemblée jusqu’à la Confédération.

En 1850, Wilmot remporta la victoire en se présentant comme adversaire du gouvernement, et certains le qualifiaient de libéral ; toutefois, moins d’un an après, il accepta le poste d’arpenteur général dans le gouvernement conservateur de John Ambrose Sharman Street*. Ce ne serait pas la dernière fois qu’il changerait de camp. Après être devenu arpenteur général, il dut démissionner de son siège et briguer de nouveau les suffrages. Les autres députés de Saint-Jean, qui avaient été ses alliés aux dernières élections générales, le condamnèrent. À leur grand étonnement, il fut réélu. Estimant que, par ce geste, les gens de Saint-Jean avaient montré qu’ils n’avaient plus leur confiance, Samuel Leonard Tilley, Charles Simonds* et William Johnston Ritchie démissionnèrent. Wilmot exerça la fonction d’arpenteur général jusqu’en 1854. Il continua de manifester son conservatisme en s’opposant par exemple, en 1853, à un projet de loi qui aurait institué le scrutin secret. En octobre 1854, les réformistes parvinrent à faire adopter une motion de censure à l’endroit des conservateurs en invoquant le fait qu’ils n’avaient pas agi conformément aux principes de la responsabilité ministérielle. Street et ses collègues quittèrent le pouvoir. C’était la première fois, au Nouveau-Brunswick, qu’un gouvernement démissionnait parce qu’il avait perdu un vote à l’Assemblée. Malgré des conservateurs comme Wilmot, le gouvernement responsable était enfin instauré dans la province.

Une fois au pouvoir, les réformistes, sous la direction de Charles Fisher* et de Tilley, adoptèrent un projet de loi qui instituait le vote secret, auquel Wilmot s’opposa encore. Mais leur Prohibition Act ne tarda pas à leur causer des problèmes, et le lieutenant-gouverneur John Henry Thomas Manners-Sutton* parvint à les obliger à démissionner. En 1856, les conservateurs remportèrent les élections. Wilmot fut secrétaire de la province en 1856–1857 dans l’éphémère gouvernement de John Hamilton Gray*. Ce gouvernement avait pour principal objectif d’abroger la loi prohibitionniste. Une fois cela fait, des dissensions éclatèrent en son sein, et il fut battu dès 1857. Cependant, Wilmot remporta la victoire au scrutin suivant.

Après sa défaite aux élections de 1861, qui reportèrent les réformistes au pouvoir, Wilmot se retira à Belmont, où il s’occupa surtout de son élevage de bovins et de porcs. De retour en politique en 1865, il fut élu en mars à titre d’adversaire de la Confédération. Le lieutenant-gouverneur Arthur Hamilton Gordon* demanda d’abord à George Luther Hatheway* de former un gouvernement, mais ce dernier déclina cet honneur. Gordon se tourna alors vers Albert James Smith* et Wilmot, qui acceptèrent. Ministre sans portefeuille, Wilmot se retrouva dans l’ombre de Smith et de Timothy Warren Anglin. Ce gouvernement faible, que les journaux qualifiaient de « curieux mélange de tories et de libéraux », était cimenté par une seule chose : le désir d’empêcher le Nouveau-Brunswick d’entrer dans la Confédération aux conditions proposées à la conférence de Québec en 1864. Bon nombre de ses membres étaient favorables à une union des provinces, mais ils ne s’entendaient pas sur sa nature. Certains, comme Smith, voulaient que les provinces conservent beaucoup plus de pouvoirs que ne leur en concédaient les conditions de Québec. D’autres, dont Wilmot, estimaient qu’elles devaient être privées de presque toute leur autorité. Dès 1858, il avait dit espérer une union qui éliminerait les Parlements provinciaux.

Comme il n’était pas homme à masquer ses sentiments, Wilmot exprima bientôt son insatisfaction à l’égard de diverses décisions de Smith et de ses collègues. Il avait espéré passer du cabinet au poste de vérificateur général, mais une fois que le Parlement eut résolu de diminuer le salaire assorti à cette fonction, il s’en désintéressa. La nomination de William Johnston Ritchie au poste de juge en chef du Nouveau-Brunswick l’irrita particulièrement. Non sans raison, il estimait que cette charge revenait au plus ancien juge de la province, son cousin Lemuel Allan Wilmot. Il était prêt à démissionner du gouvernement, mais le lieutenant-gouverneur Gordon voulait qu’il reste. Ses opinions sur l’union des provinces avaient changé, en partie par suite d’une conférence sur le commerce à laquelle il avait assisté à Québec en septembre 1865. Il avait acquis la conviction que l’union législative était impossible à cause du fossé qui séparait les Canadiens français et les Canadiens anglais. En outre, il commençait à comprendre que les États-Unis ne renouvelleraient pas leur entente de réciprocité avec l’Amérique du Nord britannique et que, si l’on voulait ouvrir de nouveaux marchés, le statu quo politique était impossible. À son retour de Québec, il était presque fédéraliste. Gordon comptait donc sur lui pour ébranler les certitudes du cabinet anticonfédérateur.

Au début de 1866, en prévision des discussions commerciales qui se tiendraient à Washington en février, le Nouveau-Brunswick choisit ceux qui le représenteraient au sein de la délégation de l’Amérique du Nord britannique. Comme il avait assisté à la conférence commerciale de Québec, Wilmot comptait bien être du nombre. Il estimait avoir subi bien des affronts de la part de Smith (certains réels, d’autres imaginaires), mais son exclusion fut la goutte qui fit déborder le vase. Il réitéra immédiatement à Gordon son souhait de démissionner. Gordon différa l’acceptation de sa démission, et Smith partit pour Washington. Ensuite, le lieutenant-gouverneur discuta de la question avec les leaders confédérateurs Tilley et Peter Mitchell.

Les négociations de Washington échouèrent. Le gouvernement américain ne montra aucun intérêt pour le renouvellement de la convention de réciprocité. Du même coup, il n’était plus question de relier le Nouveau-Brunswick aux États-Unis par un chemin de fer (le Western Extension). La solution économique que Smith avait prônée à la place de la Confédération se révélait impraticable. Comme le gouvernement devenait de plus en plus impopulaire, Gordon tenta, à la mi-février, un petit chantage contre Smith. S’il donnait son accord à la Confédération, lui-même accepterait la démission de Wilmot. Sinon, Wilmot et d’autres seraient appelés à former un nouveau gouvernement. Cédant à ces pressions, Smith consentit à ce qu’une mention d’appui à l’union soit incluse dans le discours du trône de mars 1866, après quoi la démission de Wilmot fut acceptée. Le court paragraphe consacré à cette question était ambigu, mais dans son adresse en réponse au discours du trône, le Conseil législatif s’exprima sans équivoque en faveur des conditions proposées à la conférence de Québec. Gordon tenta d’amener Smith à soutenir sa réponse, mais celui-ci refusa, car il sentait peut-être que le lieutenant-gouverneur essayait de le contraindre à accepter une position contraire à ses convictions et il savait qu’il n’existait pas, parmi ses collègues, d’entente sur un projet d’union. Le 7 avril, Gordon répondit chaleureusement à l’adresse et, quelques jours plus tard, le gouvernement de Smith démissionna.

Enfin, le lieutenant-gouverneur tenait l’occasion d’avoir un gouvernement favorable à la Confédération. Sur le conseil de Mitchell, il demanda à Tilley de former ce nouveau gouvernement. Tilley, qui ne siégeait pas à l’Assemblée, déclina l’offre. Gordon fit ensuite appel à Wilmot et à Mitchell, qui entrèrent en fonction le 14 avril. La réussite du projet confédératif dépendait désormais des élections qui se tiendraient en mai et juin. Mitchell, Wilmot et Tilley remportèrent une victoire écrasante. En juillet, ils se mirent en route pour Londres, où furent conclues les conditions définitives de l’union et où fut rédigé l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

Le 23 octobre 1867, après la formation du gouvernement fédéral, Wilmot fut nommé au premier Sénat du Canada. En 1878, il devint ministre sans portefeuille dans le cabinet de sir John Alexander Macdonald et, le 8 novembre de la même année, il fut nommé président du Sénat. Il n’allait démissionner de cette fonction que le 10 février 1880, pour prendre la succession d’Edward Barron Chandler* au poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick. À la présidence du Sénat, il se montra à la hauteur, mais il n’apporta aucune contribution notable au gouvernement Macdonald à titre de membre du cabinet. Une fois devenu lieutenant-gouverneur, il continua de manifester son penchant pour le favoritisme et son amour du pouvoir ; on lui reprocha de pourvoir des postes assortis d’une certaine influence politique sans consulter le Conseil exécutif. À la fin de ses cinq années de mandat, Tilley lui succéda.

Robert Duncan Wilmot était un homme honnête et compétent. Doté d’une forte personnalité, il se voyait comme un chef, même s’il fut éclipsé dans les gouvernements Smith et Tilley-Mitchell. Bien qu’il n’ait jamais été un orateur éloquent, c’était un administrateur capable et un fonctionnaire efficace. Assez froid, il n’était pas tellement aimé. À cause de ses fréquents changements d’opinion, il n’était pas populaire auprès des hommes politiques engagés, et des historiens comme James Hannay*, Peter Busby Waite et Carl Murray Wallace l’ont taxé d’opportunisme. Effectivement, petits bénéfices et pouvoir semblent avoir joué un rôle dans les manœuvres de 1865–1866. Wilmot voulait être premier ministre, et peut-être que « les questions de favoritisme occupaient une place importante » dans son esprit, comme l’a dit Waite. Cependant, il semble avoir été sincèrement convaincu qu’on devait avoir le droit de modifier ses principes si les circonstances l’exigeaient. La cohérence ne fut jamais la qualité première d’autres hommes politiques, comme sir John Alexander Macdonald, et la personnalité de Wilmot eut-elle été plus attachante que ses contemporains et les historiens auraient été moins durs envers lui.

William A. Spray

APNB, MC 300, MS33/37, marriage license, 17 déc. 1833 ; MC 1156, II : 62 ; RG 1, RS348, A7, Wilmot au lieutenant-gouverneur, [1866] ; RS355, A1, Wilmot au secrétaire d’État, 9 nov. 1885 ; A2, A. H. Gillmor à Wilmot, 31 mai 1880 ; A4, extrait d’une lettre au gouverneur général, 31 juill. 1882 ; A5, W. E. Baker à Wilmot, 28 sept. 1883.— G. E. Fenety, Political notes and observations [...] (Fredericton, 1867), 417, 456.— James Hannay, The life and times of Sir Leonard Tilley, being a political history of New Brunswick for the past seventy years (Saint-Jean, N.-B., 1897).— Daily Evening Globe, 14 mars 1866.— Daily Gleaner, 13 févr. 1891.— New-Brunswick Courier, 21 mars 1840.— Saint John Globe, 13 févr. 1891.— Canadian directory of parl. (Johnson).— CPC, 1909.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— Dent, Canadian portrait gallery.— T. W. Acheson, Saint John : the making of a colonial urban community (Toronto, 1985).— D. [G.] Creighton, The road to confederation : the emergence of Canada : 1863–1867 (Toronto, 1964).— James Hannay, Wilmot and Tilley (Toronto, 1907).— Lawrence, Judges of N.B. (Stockton et Raymond), 268, 399, 489, 491–492, 513, 520.— MacNutt, New Brunswick.— Waite, Life and times of confederation, 229–262.— T. W. Acheson, « The great merchant and economic development in St. John, 1820–1850 », Acadiensis (Fredericton), 8 (1978–1979), nº 2 : 3–27.— A. G. Bailey, « The basis and persistence of opposition to confederation in New Brunswick », CHR, 23 (1942) : 374–397.— S. W. See, « The Orange order and social violence in mid-nineteenth century Saint John », Acadiensis, 13 (1983–1984), nº 1 : 68–92.— C. M. Wallace, « Saint John boosters and the railroads in mid-nineteenth century », Acadiensis, 6 (1976–1977), nº 1 : 71–91.

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William A. Spray, « WILMOT, ROBERT DUNCAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wilmot_robert_duncan_12F.html.

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Auteur de l'article:    William A. Spray
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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