PORTEOUS, THOMAS, homme d’affaires, juge de paix, homme politique, officier de milice et fonctionnaire, né le 8 décembre 1765, probablement dans la province de Québec ; le 20 décembre 1786, il épousa à Addison (Vermont) Olivia Everest ; décédé le 20 février 1830 à Montréal.

Marchand de grains, Thomas Porteous était propriétaire de l’île Bourdon, près de Montréal, où il résidait. L’emplacement avantageux de l’île lui permettait de commercer dans le « château fort » de la North West Company. À l’aide d’une flotte de bacs, de bateaux et de canots, il assurait le transport entre Lachenaie et l’île de Montréal. Vers 1790, il ouvrit un établissement commercial près de l’église de Sainte-Rose à l’île Jésus. Quatre ans plus tard, il commença à négocier du blé dans le village de Terrebonne. Déjà prospère en 1800, il offrit cette année-là £20 000 pour la seigneurie de Terrebonne, qui était renommée pour son blé et sa farine. En 1805, il ouvrit un magasin et une fabrique de potasse en face de l’église de Sainte-Thérèse-de-Blainville (Sainte-Thérèse).

En 1804, Porteous fut élu député de la circonscription d’Effingham. Quoique souvent absent, il accordait généralement son suffrage au petit parti des marchands, que dirigeait John Richardson, et s’intéressait particulièrement à l’amélioration du transport par eau. À la chambre d’Assemblée, il ne ratait jamais une occasion de promouvoir ses propres intérêts. Désireux d’attirer les Montréalais à l’île Bourdon et de faire de celle-ci un entrepôt commercial, il demanda et obtint qu’une loi provinciale l’autorise à construire deux ponts à péage à deux voies, en bois, l’un enjambant la rivière des Prairies entre l’île et la terre ferme, l’autre, un pont à bascule, reliant l’île et Montréal à Bout-de-l’Île. Les ponts furent construits aux frais de Porteous, mais la loi fixait les péages et interdisait pour une période de 50 ans la construction d’autres ponts ainsi que l’exploitation de traversiers entre l’île de Montréal et la terre ferme à trois milles ou moins des ponts. Le premier pont fut inauguré le 28 octobre 1805 et le deuxième fut ouvert à la circulation l’année suivante. Cependant, tous deux furent emportés par les glaces au printemps de 1807. En 1808, Porteous eut la permission de les reconstruire et d’en placer un troisième entre l’île Bourdon et Repentigny. Afin de faciliter le trafic, Porteous avait fait fabriquer à Birmingham, en Angleterre, des jetons métalliques portant des inscriptions en français. En 1809, il établit avec la McKenzie, Oldham and Company un courrier bihebdomadaire entre Terrebonne et Montréal.

Avant le début de la guerre de 1812, au moins à une occasion, Porteous fournit une grande quantité de bois de chauffage à l’armée ; durant la guerre, il signa avec le gouvernement provincial un contrat selon lequel il devait approvisionner les troupes « de tout le pays ». Ce fut probablement à cette époque qu’il s’installa comme marchand général rue Notre-Dame, à Montréal ; par la suite, il conserva une place importante dans la vie commerciale de la ville. En 1816, lui et John Porteous, à titre d’agents des forges du Saint-Maurice, vendaient du fer en barres ainsi que des produits manufacturés, tels que des articles de cuisine, des poêles, des pièces de fonte, des outils et de l’équipement pour les moulins. Ils importaient aussi d’Angleterre du fer et de l’acier. Deux ans plus tard, Thomas Porteous acquit des actions dans le Telegraph, navire à vapeur construit pour assurer le service entre Montréal et Québec ; il en acheta d’autres en mars 1821, conjointement avec Horatio Gates. Le Telegraph fut vendu en juin 1822 à la toute nouvelle St Lawrence Steamboat Company, dominée par la famille Molson [V. William Molson*]. Étant donné son expérience du transport par eau et ses intérêts commerciaux, il n’est pas surprenant que Porteous soit devenu l’un des principaux promoteurs du canal de Lachine. En 1819, il figurait parmi ceux qui demandèrent la constitution juridique de la Compagnie des propriétaires du canal de Lachine [V. François Desrivières], dont il devint l’un des administrateurs. Après qu’elle eut été prise en charge par le gouvernement, il fut nommé au nombre de ses dix commissaires.

Porteous joua également un rôle important dans la création et les premières années de la Banque de Montréal, un des grands bailleurs de fonds du canal de Lachine. Il était parmi ceux qui demandèrent la constitution de la banque en société, possédait des actions et siégea au conseil d’administration de 1818 à 1823, puis en 1826–1827. En 1826, il appuya la faction de George Moffatt*, qui réussit à déloger le président Samuel Gerrard* et à réformer l’administration financière de la banque. Un des plus gros débiteurs de la Banque de Montréal était Simon McGillivray* qui, prétendait-on, avait bénéficié d’un traitement de faveur de la part de Gerrard, à qui il devait également une grosse somme. McGillivray offrit un règlement à ses créanciers, mais Porteous, affecté à un comité créé par la banque pour étudier sa proposition, la trouva insatisfaisante et soutint Moffatt, qui tenta sans succès de mettre McGillivray en faillite dans l’espoir d’obtenir un remboursement plus équitable. En 1819, Porteous devint l’un des vice-présidents de la Banque d’épargne de Montréal.

La même année, Porteous se lança dans un autre projet ambitieux : il forma une société qui, moyennant £5 000, acheta la Compagnie des propriétaires des eaux de Montréal [V. John Gray], dont la situation financière était mauvaise. Les 40 actions de la compagnie appartenaient en nombre égal à Porteous, à sa femme, à leurs deux fils aînés et à leur gendre. Porteous, à titre de président, se rendit à Glasgow pour y voir le réseau de distribution d’eau. À son retour, la nouvelle compagnie rénova entièrement celui de Montréal pour environ £40 000. On remplaça les canalisations de bois par des canalisations de fer de quatre pouces et les citernes de bois par des réservoirs de 240 000 gallons à revêtement de plomb. Quant au réseau qui recueillait par gravité l’eau des sources, il fit place à une usine de pompage à vapeur qui tirait de l’eau du Saint-Laurent (à un endroit qui, on le constata plus tard, n’était pas assez éloigné des exutoires d’égout). Des bains furent également installés. En dépit de ces rénovations, le réseau continua de ne rapporter que des profits mineurs ; les exécuteurs testamentaires de Porteous le vendirent en 1832 pour la somme de £60 000.

Porteous contribua aussi à plusieurs titres à la vie civique et religieuse du district de Montréal. Il devint juge de paix en 1800 et commissaire chargé de la décision des petites causes dans la seigneurie de Terrebonne en 1809. Nommé major du bataillon de milice de Blainville en 1812 et promu lieutenant-colonel du 3e bataillon de milice du comté d’Effingham en 1826, il servit un temps comme cornette dans la « Montreal Cavalry » (peut-être la Royal Montreal Troop of Cavalry, levée et licenciée en novembre 1813). En 1817, il fut l’un des sept hommes choisis lors d’une assemblée publique pour demander au Parlement d’ériger Montréal en municipalité, principalement pour qu’elle ait un meilleur service de police. L’année suivante, il devint président de la Fire Engine Company, organisme bénévole chargé de protéger la ville contre les incendies. Il siégea au conseil d’administration de la Société d’agriculture de Montréal et en occupa la présidence en 1820. Quatre ans plus tard, il fut nommé commissaire chargé de l’examen des candidats au poste d’inspecteur de potasse et de perlasse. En 1824 et 1827, il fit partie de deux jurys d’accusation pour la Cour du banc du roi. Il contribua financièrement à la congrégation Scotch Presbyterian (connue plus tard sous le nom de St Gabriel Street) pendant qu’il résidait encore à l’île Bourdon ; en 1819, il en fut élu conseiller presbytéral (poste qu’il conserva jusqu’à sa mort) et membre du comité des affaires séculières, dont il fut vice-président en 1820.

En 1816, avant de s’embarquer pour un voyage en Angleterre, Thomas Porteous légua à sa femme l’usufruit de ses biens et le produit annuel d’un fonds en fidéicommis de £5 000. Lorsqu’elle mourrait, la succession devrait être répartie également entre leurs sept enfants, toute fille demeurée célibataire devant recevoir £200 de plus. En février 1820, il annonça qu’il prendrait très bientôt sa retraite et mit en vente plusieurs « grands établissements commerciaux très intéressants ». Parmi eux se trouvaient ses « installations bien connues [...] à Terrebonne [...] où il a[vait] résidé si longtemps » et qui regroupaient une grande maison, deux entrepôts d’une capacité totale de 60 000 boisseaux de grains, une remise, une écurie, d’autres bâtiments, tous en pierre, et un vaste jardin d’excellent rapport. C’était, disait l’annonce, « l’un des meilleurs endroits de la région pour un marchand de la campagne ». Porteous mit également en vente une terre contiguë, plus petite, où il y avait une maison en pierre et des jardins, une ferme située entre Terrebonne et Lachenaie ainsi que ses propriétés de Sainte-Rose (où il avait récemment construit une maison en pierre) et de Sainte-Thérèse-de-Blainville. Cette dernière propriété comprenait une grande maison en pierre, construite en 1813–1814 « avec des matériaux de première qualité [...] dans un [...] très beau style, selon un plan fourni par M. John Try ». Il s’y trouvait également une fabrique de potasse d’une capacité de production saisonnière de 280 barils et une ferme de 30 acres, « très bien mise en valeur ». Porteous conserva sa résidence de la rue Notre-Dame à Montréal. La succession qu’il laissa à sa mort, en 1830, devait être importante.

Carman Miller

ANQ-M, CE1-126, 23 févr. 1830 ; CM1, 5 mars 1830.— APC, RG 68, General index, 1651–1841.— AUM, P 58, U, Porteous à Jordan, 26 mars 1800.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1805 : 118, 144, 171, 194–197 ; 1808 : 176, 212 ; Report of the special committee, to whom was referred that part of his excellency’s speech which referred to the organization of the militia [...] (Québec, 1829) ; Statuts, 1805, chap. 14 ; 1808, chap. 23–24 ; 1819, chap. 6 ; 1821–1822, chap. 25.— This was Montreal in 1814, 1815, 1816 and 1817 [...], L. M. Wilson, compil. ([Montréal], 1960), 126–127.— La Gazette de Montréal, 28 oct. 1805, 19 nov. 1817, 9 juin 1819.— La Gazette de Québec, 25 juill. 1799, 27 déc. 1804, 10 janv. 1805, 23 oct. 1806, 3, 17 mars, 7 avril 1808, 5 janv., 4 mai, 19 oct. 1809, 29 nov. 1817, 7, 28 déc. 1818, 12 juill., 5 août, 6 sept. 1819, 16, 30 mars 1820, 26 mars, 5, 18 juin, 25 oct. 1821, 6 nov. 1823, 29 mars 1824, 4 mars 1830.— Almanach de Québec, 1801 : 79 ; 1815 : 96 ; 1821 : 110.— Audet, « les Législateurs du B.-C. ».— J. D. Borthwick, History and biographical gazetteer of Montreal to the year 1892 (Montréal, 1892).— Montreal directory, 1819.— R. Campbell, Hist. of Scotch Presbyterian Church.— Denison, Canada’s first bank.— F. C. Smith, The Montreal Water Works ; its history compiled from the year 1800 to 1912 (Montréal, 1913), 14.— Tulchinsky, « Construction of first Lachine Canal », 43, 65.— F.-J. Audet, « Des hommes d’action à la tête de Montréal il y a 100 ans », la Presse, 4 nov. 1933 : 30.— Hare, « l’Assemblée législative du B.-C. », RHAF, 27 : 379.— Victor Morin, « l’Art de la numismatique au Canada », Cahiers des Dix, 17 (1952) : 78–79.

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Carman Miller, « PORTEOUS, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/porteous_thomas_6F.html.

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Auteur de l'article:    Carman Miller
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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