LE MARCHAND DE LIGNERY, CONSTANT, écuyer, lieutenant et garde marine en France, lieutenant et capitaine au Canada, chevalier de Saint-Louis, deux fois commandant à Michillimakinac, major à Trois-Rivières, né vers 1663 à Charentilly, près de Tours, décédé le 19 février 1731 à Trois-Rivières.
Il était le fils de Joseph Le Marchand de Lignery, écuyer, et de Marguerite Du Sillar. Il débuta dans la carrière militaire comme lieutenant dans le régiment d’Auvergne en 1675. En 1683 il se fit muter à la marine et servit en qualité de garde marine dans le port de Rochefort. Quatre ans plus tard il vint au Canada comme lieutenant réformé.
Lignery ne joua pas un rôle important dans la guerre contre les Iroquois, mais ses supérieurs avaient une bonne opinion de lui et l’ont souvent qualifié de « bon officier » dans les registres militaires de la colonie. Il fut promu lieutenant en 1688 puis capitaine en 1705. Cinq ans plus tard, Philippe de Rigaud de Vaudreuil projetait d’envoyer Louvigny [La Porte] et Lignery réoccuper le fort Michillimakinac, poste stratégique qui avait été abandonné par ordre royal depuis 1696. Lignery y aurait d’abord été officier en second ; le gouverneur prévoyait qu’il acquerrait l’expérience et la compétence nécessaires pour assumer le commandement du fort un an ou deux après. Quand éclata la guerre avec les Renards en 1712, Louvigny se vit dans l’impossibilité de se rendre dans l’Ouest ; Vaudreuil décida d’envoyer Lignery à la tête d’un petit détachement pour prendre possession du poste.
En 1715, le gouverneur intérimaire de la Nouvelle-France, Claude de Ramezay, choisit Lignery pour prendre le commandement d’une importante expédition contre les Renards. Ramezay ordonna à Lignery de rassembler les coureurs de bois et les Indiens du Nord pour les conduire au portage de Chicago où ils se joindraient à un autre détachement, recruté parmi les tribus indiennes du sud des Grands Lacs, en vue de porter la guerre chez l’ennemi. Malheureusement, une suite de contretemps empêcha le projet de se réaliser. Le contingent du sud ne réussit pas à se rassembler comme projeté et Lignery lui-même ne quitta jamais Michillimakinac avec ses troupes, car le convoi d’approvisionnement qu’il attendait de Montréal n’arriva pas à temps ; en outre, il était incapable de maintenir son autorité sur les volontaires français peu disciplinés qui, pour la plupart, préféraient faire la traite avec les Indiens plutôt que de préparer la guerre. Quoique Ramezay, déçu, critiquât Lignery pour sa conduite à Michillimakinac, la principale cause de l’échec de cette campagne n’était pas l’inefficacité du commandement, mais le manque d’organisation et l’indiscipline des troupes qui ne comptaient que des Indiens et des coureurs de bois, la cour ayant refusé de subventionner l’expédition.
En 1722, peu de temps après avoir reçu la croix de Saint-Louis, Lignery reprit le commandement de Michillimakinac après une absence d’environ trois ans. Les Renards venaient de recommencer la guerre contre les Français et leurs alliés et portaient les coups les plus destructeurs contre les Blancs et les Indiens du pays des Illinois, pays qui faisait partie de la Louisiane. Lignery, semble-t-il, ne se préoccupait pas du sort de la colonie-sœur, car il adopta envers les Renards une politique de conciliation qui avait pour premier but de préserver la paix dans la partie canadienne des territoires de l’Ouest.
Une telle ligne de conduite reflétait le désir de Vaudreuil d’épargner au Canada les horreurs d’une autre guerre avec les Indiens ; Lignery craignait peut-être aussi qu’un tel conflit ne ruinât le commerce des fourrures auquel il prenait maintenant une part active. En 1724, Lignery négocia le fameux traité en vertu duquel les Renards firent la paix avec les Sauteux mais continuèrent la guerre contre les Illinois. Quoique Lignery prétendît avoir fait de son mieux pour inclure ces derniers dans le traité, les hauts fonctionnaires de la Louisiane et de Versailles jugèrent, peut-être avec raison, que Vaudreuil et Lignery avaient sacrifié la colonie du sud aux Renards dans le but de l’empêcher de prendre part à la traite des fourrures dans l’Ouest. En 1726, Charles Le Moyne de Longueuil, gouverneur intérimaire du Canada, renvoya Lignery à la baie des Puants (Green Bay) avec mission de négocier de nouveau le traité. Cette fois le commandant de Michillimakinac fit rapport qu’il avait obtenu des Renards la promesse de rester en paix avec tous les alliés français.
À la fin de l’année 1726, le nouveau gouverneur Charles de Beauharnois* arriva au Canada bien déterminé, semble-t-il, à établir sa réputation dans toutes les tribus indiennes par une victoire militaire retentissante dès le début de son administration. En 1728, il envoya contre les Renards une armée de 450 Français et de plus de 1 000 Indiens sous le commandement de Lignery, mais le contingent, le plus gros qui ait jamais pénétré si loin à l’intérieur, ne réussit pas à entrer en lutte avec l’ennemi ; celui-ci se dérobait et s’enfuyait vers l’Ouest, de telle sorte que les Français et leurs alliés durent se contenter de brûler les villages et de ruiner les récoltes. Beauharnois tint Lignery responsable du fait que l’armée n’eût pas réussi à engager le combat avec les Renards et porta contre lui des accusations si sérieuses dans son rapport au ministre que Maurepas décida de faire passer Lignery au conseil de guerre. Lignery était accusé d’avoir mal dirigé l’approvisionnement et d’avoir mené ses troupes à une allure si lente que les Renards avaient eu amplement le temps de fuir ; d’avoir refusé de laisser son officier en second, Beaujeu [Liénard*], assumer le commandement des opérations en territoire ennemi malgré la maladie qui le rendait lui-même inapte au commandement ; d’avoir laissé de grandes quantités de provisions à Michillimakinac au retour, pour faire place, insinuait-on, aux peaux de castor. Après avoir entendu plusieurs témoignages et revu toutes les preuves, les membres du conseil de guerre rejetèrent à l’unanimité ces accusations comme étant sans fondement et acquittèrent Lignery. Mais, apparemment, l’épreuve avait été trop dure pour le vieil officier, qui mourut quelques mois plus tard à Trois-Rivières où il avait été nommé major en 1728.
Le 10 novembre 1691, il avait épousé, à Montréal, Anne Robutel de La Noue, fille du seigneur de l’île Saint-Paul. Des sept garçons et deux filles qui naquirent de ce mariage, le mieux connu est François-Marie*, capitaine dans les troupes de la marine et chevalier de Saint-Louis, qui fut mortellement blessé par les Anglais au cours d’un engagement près du fort Niagara à l’été de 1759.
AJM, Greffe de Bénigne Basset, 17 nov. 1691.— AN, Col., B, 33–37, 44, 45, 47, 48, 50, 52, 53, 54, Col., C11A, 22, 31, 34, 35, 44, 46, 47, 48, 49, 51, 56 ; Col., D2C, 47, 49, 222 ; Col., E, 125 (dossier de Lignery) ; Col., F3, 9.— Emmanuel Crespel, Travels in North America (Londres, 1797). Le père Crespel*, récollet, fit partie de l’expédition de 1728 contre les Renards à titre d’aumônier ; son livre contient une relation de la campagne.— Les plus importants documents concernant la carrière de Lignery dans l’Ouest sont reproduits dans Wis. State Hist. Soc. Coll., XVI, XVII.— Massicotte, Répertoire des engagements pour l’Ouest, RAPQ, 1929–30 : 214–267.— P.–G. Roy, Les officiers d’état-major, 162–166.— Kellogg, French régime.— P.–G. Roy, A propos des Le Marchand de Lignery ou Ligneris, BRH, XLIX (1943) : 300–303.
Yves F. Zoltvany, « LE MARCHAND DE LIGNERY, CONSTANT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/le_marchand_de_lignery_constant_2F.html.
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Auteur de l'article: | Yves F. Zoltvany |
Titre de l'article: | LE MARCHAND DE LIGNERY, CONSTANT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |