FLEURY DESCHAMBAULT (d’Eschambault), JACQUES-ALEXIS DE, bailli, procureur puis juge royal à Montréal, fondateur de la seigneurie et du village de Deschambault, né vers 1642, fils de Jacques et de Perrine Gabar, issu de famille noble, originaire de Saint-Jean de Montaigu en Bas-Poitou, inhumé le 31 mars 1715 à Montréal.
Il vint à Québec au début de 1671, avec le titre de « docteur ès lois et avocat au Parlement ». Six mois à peine après son arrivée, le 19 novembre, il épousait Marguerite de Chavigny de Berchereau, veuve de Thomas Douaire de Bondy, et mère de quatre enfants. Sa belle-mère, Éléonore de Grandmaison*, veuve de François de Chavigny, possédait sur les bords du Saint-Laurent, près de Portneuf, un fief d’une lieue de largeur sur trois lieues de profondeur, encore peu exploité. Elle concéda d’abord à son gendre, le 22 avril 1674, une terre de 10 arpents de front. Jacques-Alexis alla s’y installer avec sa famille, et le recensement de 1681 lui attribue déjà 20 arpents de terre en culture et 16 bestiaux. Deux ans plus tard, en 1683, Éléonore de Grandmaison lui cédait toute la seigneurie, en échange d’une terre à l’île d’Orléans. Deschambault était encore le seul habitant de cette seigneurie. Il entreprit de la mettre en valeur, avec l’aide de ses enfants. L’année suivante, le nouveau seigneur prit part à l’expédition de la Barre [Le Febvre*] contre les Tsonnontouans. Il servit alors comme aide-major dans le bataillon de Québec. Un recensement de 1688 montre qu’il développait activement son domaine : il avait 3 serviteurs, 39 arpents en culture, 37 en pâturage et 34 bestiaux. Quatre familles de colons y étaient établies et trois autres en voie d’établissement. Deschambault vivait des produits de la terre et de la pêche ; il avait fait bâtir un manoir et un moulin. De plus la seigneurie portait son nom.
Une profonde modification survint dans sa vie en 1690, qui lui permit d’abandonner son existence de seigneur campagnard pour retourner à la ville et reprendre ses études légales. Les Sulpiciens, seigneurs de Montréal, détenaient le droit de justice dans l’île ; leur bailli, Migeon* de Branssat, venait de démissionner, à cause de son grand âge et de ses multiples affaires. Les Sulpiciens songèrent à l’ancien avocat Deschambault, pour le remplacer. Mais le nouveau bailli eut du mal à se faire admettre. Migeon lui était défavorable et le Conseil souverain, désireux d’abolir la justice seigneuriale, opposa des délais, de sorte que Deschambault, nommé par l’abbé Dollier de Casson en août 1690, ne put prendre possession de sa charge que le 21 novembre suivant. Il prononça alors une solennelle allocution, dont le texte a été conservé. Dans l’une de ses premières causes, il subit la mauvaise humeur du Conseil souverain, qui lui décerna un blâme et cassa son jugement.
Comme la population s’accroissait dans l’île de Montréal et aux environs, Louis XIV, en accord avec les Sulpiciens, établissait, par un édit du 15 mars 1693, la justice royale dans cette région. Le Conseil souverain désigna Charles Juchereau de Saint-Denys comme premier lieutenant général civil et criminel, et Deschambault devint procureur du roi, ce qui signifiait pour lui une diminution de responsabilités. Il l’accepta cependant assez bien et s’entendit très bien avec son collègue. En 1696, il dut interrompre momentanément ses fonctions pour accompagner Frontenac [Buade*] dans son expédition contre les Iroquois ; il commandait alors les milices de Montréal. Pendant plusieurs mois, en 1698, il remplaça le juge Juchereau, en voyage en France. Il le remplaça encore pour une période plus longue, en 1701, quand Juchereau, hanté par le goût des aventures, obtint un congé de trois ans et partit pour le Mississipi. Lorsqu’on apprit, à Montréal, la mort de ce magistrat aventureux, deux candidats briguèrent sa succession : Deschambault et Migeon* de La Gauchetière, fils de l’ancien juge. Sur l’avis de l’intendant Jacques Raudot, Deschambault fut nommé officiellement, en 1706, lieutenant général civil et criminel de Montréal.
Il eut à juger plusieurs causes difficiles et, dans l’une d’elles, ayant cru trop facilement les racontars de quelques bavards, il subit la cuisante humiliation de se voir suspendu pendant un mois par le Conseil souverain, pour « étudier les ordonnances », et condamné aux frais du procès. Il entra aussi plusieurs fois en conflit avec le gouverneur de Vaudreuil [Rigaud], qui désirait protéger ses anciens amis de Montréal. Deschambault s’en plaignit à la cour et le gouverneur lui fit subir de dures représailles, allant jusqu’à faire supprimer le banc des juges dans l’église de Montréal. Ces tracasseries ne nuisirent cependant pas à sa carrière, et il continua d’exercer la judicature jusqu’à un âge avancé. Il mourut à Montréal, en mars 1715, après avoir contribué à l’administration de la justice, en divers emplois, pendant 25 ans. Un de ses derniers actes judiciaires fut une curieuse ordonnance de police, par laquelle il ordonnait aux habitants de Montréal d’entretenir « les banquettes » (trottoirs de bois) devant leurs maisons et leur interdisait de laisser les cochons courir les rues.
Il avait eu sept enfants de son premier mariage avec Marguerite de Chavigny. L’aîné, Jacques* (1672–1698), fut missionnaire en Acadie ; le second, Charles (1674–1742), passa en France et devint négociant et armateur à La Rochelle ; Joseph* (1676–1755), sieur de La Gorgendière, épousa Claire Jolliet, fille de l’explorateur, et continua la descendance canadienne de la famille ; Charlotte (1683–1755) épousa François Le Verrier puis Pierre de Cavagnial, marquis de Vaudreuil [Rigaud*] ; Simon-Thomas, sieur de La Janière, alla s’établir à la Martinique.
Après le décès de Marguerite de Chavigny, en 1705, il épousa, le 9 juillet 1708, Marguerite-Renée Denys, veuve de Thomas de Lanouguère* et fille de Pierre Denys de La Ronde et de Catherine Leneuf. Il devenait ainsi, par le jeu des alliances, le beau-père de Madeleine de Verchères [Jarret*]. Il n’eut pas d’enfants de ce second mariage et sa veuve lui survécut.
AN, Col., B, 32, f.14v. ; 33, f.381 ; 34, ff.344,358 ; 35, f.307 ; Col., C11A 31, f.176 ; 33, ff.199,201 ; Col., C11G, 2, f.118v. ; 3, ff.29ss ; 4, ff.203ss ; 5, ff.37ss.— Jug. et délib., II, VI, passim.— L’expédition de M. de La Barre contre les Iroquois en 1684, BRH, XXXI (1925) : 55.— Recensement de la seigneurie d’Eschambault, RHAF, IX (1954–55) : 439.— É.-Z. Massicotte, Ordonnance inédite de M. de Fleury Deschambault, concernant les rues de Montréal, en 1715, BRH, XXII (1916) : 81 ; Les tribunaux et les officiers de justice, MSRC, 3e sér., X (1916), sect. i : 275, 284, 286.— [François Daniel], Histoire des grandes familles françaises du Canada (Montréal, 1867), 371–396.— Ægidius Fauteux, Réponse, BRH, XXXVIII (1932) : 59.— J.-J. Lefebvre, La famille Fleury Deschambault de La Gorgendière, MSGCF, III (1948–49) :152–174.— P.-G. Roy, Jacques-Alexis de Fleury Deschambault, BRH, XXXVII (1931) : 705–713.
René Baudry, « FLEURY DESCHAMBAULT (d’Eschambault), JACQUES-ALEXIS DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fleury_deschambault_jacques_alexis_de_2F.html.
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Auteur de l'article: | René Baudry |
Titre de l'article: | FLEURY DESCHAMBAULT (d’Eschambault), JACQUES-ALEXIS DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 11 oct. 2024 |